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Résumé régional : l’Afrique

Aperçu des résultats sur la capacité en eau profonde de 44 pays en Afrique, divisés en cinq sous-régions: Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Afrique de l’Est et Afrique australe.

Published onSep 12, 2022
Résumé régional : l’Afrique
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Le continent africain possède une importante Zone Économique Exclusive (ZEE), la quatrième plus large superficie totale parmi celles des régions évaluées, et la quatrième plus large zone d’eau profonde parmi ces régions [1][2][3]. Ce rapport d’évaluation des capacités techniques et humaines pour l’exploration et la recherche en eau profonde regroupe les informations pour 44 pays divisées en cinq régions : Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Afrique de l’Est, et l’Afrique australe (Figure 1) [4]. Trente-trois pays sont couverts par la recherche manuelle et par le sondage, et 11 pays sont couverts par la recherche seule. Un rapport détaillé des résultats par sous-région et par pays d’Afrique est disponible en anglais sur la page Résultats des régions : Afrique.

Figure 1

Sous-régions d’Afrique
Carte de l’Afrique montrant les cinq sous-régions utilisées dans L’Évaluation Globale des Capacités en Eau Profonde 2022 : Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Afrique de l’Est et Afrique australe. Le jaune clair indique les zones économiques exclusives (ZEE) de l’Afrique.


État d’avancement de l’exploration et de la recherche en eau profonde

Les réponses des participants au sondage ont permis d’évaluer l’état de l’exploration et de la recherche dans les eaux profondes de chaque pays en indiquant dans quelle mesure les énoncés suivants sont corrects pour le pays représenté : (1) l’exploration et la recherche en eau profonde est considérée comme importante, (2) la technologie pour travailler en eau profonde existe, et (3) l’expertise pour travailler en eau profonde est présente.

Soixante pour cent des participants confirment que l’exploration et la recherche en eau profonde est importante pour leur pays. Presque deux tiers des participants pensent que le pays n’a pas la technologie pour mener ces activités d’exploration et de recherche. Par rapport à la présence d’expertise dans le pays, les résultats sont mitigés : 41 % sont d’accord pour dire que l’expertise existe contre 39 % qui ne sont pas d’accord. Dans chaque sous-région, le niveau d’expertise est égal ou supérieur à celui des capacités techniques.

Les résultats du sondage ont aussi été évalués au niveau sous-régional (Tableau 1).

Tableau 1

Importance

Tech

Expertise

Sous-régions

Élevée

Élevée

Élevée

Europe du Nord, Europe de l'Ouest, Asie de l'Est

Faible

Élevée

Élevée

Amérique du Nord, Australie/Nouvelle-Zélande

Faible

Faible

Modérée

Afrique du Nord, Europe de l'Est, Europe du Sud, Asie de l'Ouest, Amérique du Sud 

Élevée

Faible

Modérée

Afrique de l'Ouest, Asie du Sud-Est

Élevée

Faible

Faible

Afrique de l'Est, Asie du Sud, Mélanésie, Micronésie

Faible

Faible

Faible

Afrique centrale, Afrique du Sud, Polynésie, Amérique centrale, Caraïbes

Notamment, l’Afrique de l’Ouest et de l’Est sont deux sous-régions où l’exploration et la recherche en eau profonde sont importantes au niveau national alors  que ce n’est pas le cas pour l’Afrique du Nord, l’Afrique centrale et l’Afrique australe. Peu de participants pensent que leur pays a la technologie et l’expertise pour de telles activités comparé aux résultats pour d’autres régions. Cependant, alors que les niveaux de performance des capacités nationales sont bas à modérés dans la région, ils sont comparables à ceux obtenus pour la plupart des autres sous-régions du monde. 

"On a pas de véhicule d'observation sous-marine compte tenu de leur coût d'acquisition et de l'expertise. Néanmoins, nous développons actuellement des capteurs d'observation sous-marine (camera + capteurs température/pression) utilisant les micro-ordinateurs Raspberry Pi et Arduino, pour un temps soit peu collecter des données sur l'état de l'environnement marin."

"We don't have an underwater observation vehicle given their acquisition cost and expertise. Nevertheless, we are currently developing underwater observation sensors using Raspberry Pi and Arduino microcomputers, for a short time collecting data on the state of the marine environment." --Respondent for Benin, Western Africa


Enjeux, défis et possibilités

En Afrique, les trois enjeux sélectionnés comme les plus importants sont la pêche et l’aquaculture, la conservation et protection environnementale, et l’extraction de pétrole et de gaz au large. Le sondage a permis d’identifier les trois défis les plus importants qui sont le financement, la capacité humaine et l’accès aux navires. Finalement, les opportunités les plus intéressantes pour les participants au sondage sont le fait d’avoir des possibilités de formation, des technologies de collecte de données plus précises, de meilleurs outils d’analyse de données ainsi qu’une technologie qui peut aller à des profondeurs plus importantes.

Présence, accessibilité et satisfaction de la capacité en eau profonde

Cette partie de l’étude concerne la présence d’infrastructures et de technologies – navires, véhicules de submersion profonde (DSV, pour « deep submergence vehicles » en anglais), capteurs et outils d’analyse de données –  pour le travail en eau profonde sur base de la recherche manuelle ciblée et des réponses des participants au sondage. Le sondage permet aussi d’analyser l’accès à chaque type de technologie et du niveau de satisfaction à l’égard des technologies accessibles dans chaque pays.

Organisations et industries

À l’aide de données de recherche manuelle et du sondage, nous avons enregistré les organisations et les industries maritimes dans chaque pays, que nous utilisons comme indicateur de la capacité humaine1.

Nos recherches sur ces infrastructures regroupent les institutions telles que les universités, les organismes gouvernementaux, d’autres types d’organisations ainsi que diverses

industries maritimes. Nous avons enregistré 631 institutions en Afrique : 199 universités et laboratoires de recherche, 244 organismes gouvernementaux et ministères, et 188 organisations de différents types. L’Afrique australe a le plus grand nombre d’organisations par pays alors que l’Afrique de l’Est en a le moins.

Les types d’industries maritimes les plus présentes en Afrique sont celles pour le transport maritime, ainsi que la pêche et l’aquaculture. L’exploitation minière en eau profonde est l’industrie la moins présente, aucun pays ne pratique de telles activités pour le moment. Cependant, au moins 11 pays évaluent et entreprennent de poursuivre des activités d’exploitation minière, notamment des pays dépendant d’un autre pays étrangère ou en collaboration avec un autre africain à revenus plus élevés.  

Les résultats obtenus via la recherche manuelle et le sondage sont parfois différents. Les différences les plus significatives sont observées pour la construction maritime et la recherche et le développement; en effet, la recherche manuelle a permis d’identifier beaucoup plus d’industries de ces deux types que le sondage. À l’inverse, les participants au sondage ont surévalué la présence de l’exploitation minière en eau profonde.

La capacité technique la plus présente en Europe est celle des navires, et les pays d’Afrique ont en moyenne une diversité de navires plus élevée que celle d’autres pays dans le monde. Malgré cette forte présence de navires, l’accès à plusieurs types de navires est encore faible par rapport à d’autres types de technologie, même si comparable à l’accès dans d’autres régions du monde. Le niveau de satisfaction à l’égard des navires varie très fort, allant de très faible à modéré et est le plus faible parmi toutes les régions évaluées. 

Quatre-vingt-un pour cent des participants considèrent que les navires sont importants pour leur travail. Les navires de pêche sont les plus présents suivis des bateaux traditionnels, de loisirs, et des navires de la marine. Les navires de recherche sont les moins présents. Les navires les plus accessibles sont ceux pour la pêche, suivis des navires de recherche bien que ces derniers soient peu présents. Plus d’un tiers des participants disent n’avoir aucun accès aux navires et 61 % pensent qu’un accès accru aurait un impact élevé, voire révolutionnaire, pour leur travail.

D’autres types de navires ont été renseignés comme faisant partie des ressources tels que les bateaux remorqueurs, les navires polyvalents et de transport, les pétroliers, les yachts, les patrouilleurs, les dragueurs, et les navires d’exploration minière auxquels s’ajoutent les opportunités d’utiliser des navires de recherche étrangers.

Véhicules de submersion profonde

La capacité technique la moins présente en Afrique est celle des véhicules de submersion profonde (DSV). La présence des DSV est aussi la plus faible de toutes les régions évaluées. L’accès aux DSV est faible, voire très faible dans l’ensemble des sous-régions.

Malgré les faibles taux de présence et d’accès aux DSV, 68 % des participants au sondage considèrent les DSV comme importants pour leur travail. Les véhicules sous-marins télé-opérés (ROV, pour « remote operated vehicles » en anglais) sont les plus présents, suivis des modules de descente benthique alors que les véhicules de submersion avec équipage (HOV, pour « human occupied vehicles » en anglais) sont les moins présents. 

Les ROV sont non seulement les plus présents, mais aussi les plus accessibles, suivis des modules de descente benthique et des véhicules sous-marins autonomes (AUV, pour « autonomous underwater vehicles » en anglais). Le niveau de satisfaction est généralement faible, et ce pour tous les aspects d’utilisation et de fonctionnement. En plus, plus de la moitié des participants n’ont accès à aucun DSV. Cependant, certains pays ont l’occasion d’explorer les eaux profondes dans le cadre de collaborations avec des pays étrangers. Par exemple, Mayotte a accès à cinq types de DSV.

Les performances en termes de profondeur sont encourageantes vu que 44 % des DSV auxquels les participants ont accès peuvent fonctionner à plus de 200 m de profondeur. En Afrique australe, certains DSV peuvent fonctionner à une profondeur maximale de 2 000 m. Dans toutes les autres sous-régions, au moins un participant a confirmé avoir accès à un véhicule qui peut aller jusqu’à 4 000 m. Septante (soixante-dix) pour cent des participants pensent qu’un accès accru aux DSV aurait un impact élevé, voire révolutionnaire, pour leur travail.

Capteurs

Les capteurs sont la capacité technique classée comme avant-dernière en termes de présence et avec la plus faible diversité parmi toutes les régions. Malgré le manque de capteurs identifiés avec la recherche manuelle, le sondage indique des niveaux faibles à modérés d’accès aux capteurs, similaires aux niveaux observés en Amérique latine, dans les Caraïbes et certaines sous-régions d’Océanie et d’Asie.

Les systèmes de navigation sont les plus présents, suivis des systèmes d’imagerie. Les capteurs génétiques pour l’ADN environnemental (ADNe) sont les moins présents. Les plus accessibles sont les systèmes d’échantillonnage d’eau, suivis des systèmes de mesure de conductivité, température et profondeur (CTD pour « Conductivity Temperature Depth » en anglais) et des capteurs chimiques (p. ex. pour mesurer l’oxygène ou le pH). Environ trois quarts des participants ont accès aux capteurs pour travailler en eau profonde, et 77 % pensent qu’un accès accru aurait un impact élevé, voire révolutionnaire, pour leur travail.

Outils d’analyse de données

Les outils d’analyse de données représentent la deuxième capacité technique la plus importante en termes de présence en Afrique, après les navires. Les pays d’Afrique ont plus d’outils qu’en Océanie ou en Amérique latine et dans les Caraïbes.

Les systèmes d’information géographique (SIG) sont les plus présents, suivis des outils qui utilisent l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique (IA/AA). L’informatique en « cloud » et le stockage des données sont les moins présents. Les SIG sont aussi les plus accessibles, suivis des outils de gestion des données et de visualisation des données. Plus d’un quart des participants au sondage n’ont aucun accès aux outils d’analyse de données évalués ici mais 86 % pensent que ces outils sont importants et 81 % pensent qu’un accès accru aurait un impact élevé, voire révolutionnaire, pour leur travail.

Un participant au sondage a indiqué que certains de ces outils sont disponibles aux Seychelles, mais qu’ils appartiennent aux structures gouvernementales et ne sont généralement pas destinés à être utilisés par des chercheurs en dehors de ces structures.

Indices de capacité en eau profonde

La recherche manuelle et le sondage évaluent la présence des organisations, industries, navires, DSV, capteurs et outils d’analyse de données dans chaque pays et les réponses au sondage permettent également d’identifier les niveaux d’accessibilité et de satisfaction envers les navires, DSV, capteurs et outils d’analyse de données dans chaque sous-région. Nous avons utilisé ces informations pour regrouper les sous-régions en fonction de similitudes à l’échelle sous-régionale, régionale et mondiale (Tableau 2).

Tableau 2

Présence

Accès

Satisfaction

Sous-régions

Modérée-élevée

Élevé

Élevée

Europe du Nord, Amérique du Nord

Modérée

Modéré

Modérée

Europe de l'Ouest, Europe du Sud, Asie de l'Est, Asie du Sud-Est, Australie/Nouvelle-Zélande

Modérée

Faible-Modéré

Faible-Modérée

Afrique du Nord, Afrique australe, Europe de l'Est, Asie de l’Ouest, Asie du Sud, Amérique du Sud

Faible

Faible

Faible-Modérée

Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Afrique de l’Est, Mélanésie, Micronésie, Polynésie, Amérique centrale, Caraïbes

L’Afrique du Nord compte le plus grand nombre d’organisations et d’industries maritimes, de navires, de DSV, de capteurs et d’outils d’analyse de données. A l’inverse, l’Afrique centrale en a le plus faible nombre. L’Afrique de l’Est est la sous-région avec la plus grande hétérogénéité dans la distribution des ressources entre les différents pays. En Afrique, il n’y a pas de pays qui possède toutes les ressources recherchées mais cinq pays en possèdent une seule : Angola, Cap Vert, l’Archipel des Chagos, Guinée-Bissau et Sao Tomé-et-Principe.

Les participants au sondage pour l’Afrique australe ont le plus accès à la plupart des types d’outils. Le niveau de satisfaction en Afrique est généralement faible, les participants d’Afrique du Nord étant les plus satisfaits.

PERSPECTIVE DU CHERCHEUR 
 « Les compétences nationales devraient être prioritaires et financées, et les pays africains devraient intégrer les projets de recherche en eau profonde de manière interdisciplinaire et collaborative. L’évaluation des capacités existantes en Afrique est déjà une étape cruciale car elle peut aider à promouvoir des opportunités équitables pour les pays africains afin d’explorer et de gérer eux-mêmes leurs écosystèmes. »
–Otmane Sarti, Université Abdelmalek Essaâdi, Tanger, Maroc

Conclusion

Nos recherches ont abouti à la catégorisation des pays africains en trois groupes en fonction de l’état de leurs capacités. Le premier groupe comprend les pays à revenu élevé comme l’Afrique du Sud et les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie et Égypte). Ces pays sont les plus établis en ce qui concerne la présence de technologie et d’expertise. L’Afrique australe est également l’une des sous-régions les plus développées en termes de capacités de recherche et d’exploration. Cependant, il y a un manque de financement adéquat et de compétences dans le pays, ce qui crée souvent une dépendance envers des capacités humaines étrangères et les financements internationaux.

Le deuxième groupe inclut les nombreux territoires africains qui sont encore sous l’administration de pays européens, bénéficiant des infrastructures de recherche de ces derniers. La plupart de ces pays sont des îles réparties entre les Océans Atlantique et Indien, telles que l’archipel des Chagos , Tristan da Cunha, Mayotte et Ascension.

Le dernier groupe comprend les pays ayant le moins d’infrastructure et de technologie pour la recherche scientifique. Les Petits États Insulaires en Développement (PEID, appelés aussi Small Island Developing States ou SIDS en anglais) tels que le Cap Vert et d’autres restent largement inexplorés, et les informations sur les écosystèmes en eau profonde restent rares. La Mauritanie, dont les eaux profondes sont connues pour leur biodiversité importante due au phénomène de remontée des eaux (ou « upwelling » en anglais), n’a pas d’infrastructure scientifique qui pourrait lui permettre d’étudier ces écosystèmes. 

La plupart des travaux effectués à ce jour dans les 44 pays africains évalués ont été réalisés grâce à l’aide d’experts et de navires de recherches étrangers. Cependant, une capacité locale se développe dans plusieurs pays, comme les Seychelles et Maurice, qui pourraient donc devenir un modèle pour le développement de capacités locales pour d’autres pays d’Afrique. 

Enfin, l’Afrique présente une opportunité unique pour développer des moyens plus accessibles et moins chers pour explorer les eaux profondes. La plus grande zone en eau profonde se situe entre 2000 et 4000 mètres sous le niveau de la mer, couvrant 46 % de toutes les ZEE africaines, suivie d’une grande partie située entre 4000 et 6000 m qui couvre 31 % des ZEE. Une technologie d’exploration pouvant atteindre 6000 m débloquerait l’accès à toutes les ZEE d’Afrique.

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